Le territoire et les hommes

Hokkaidô

" Le Hokkaidô est l'île la plus septentrionale de l'archipel japonais et la deuxième en superficie : à peu près deux fois la Suisse pour cinq millions d'habitants. Plaines à riz dans le sud ; volcans, pâturages et forêts dans le centre ; et à l'est une des mers les plus poissonneuses du monde. De décembre à avril, la neige recouvre l'île, et les ports de la côte nord-est (latitude de ilan !) sont pris dans les glaces. Hokkaidô signifie (Hoku : nord, kaï : mer, do : chemin) le Chemin de la mer du Nord". C'est par cette succincte notice que l'écrivain helvête Nicolas Bouvier ouvre les pages de sa "Chronique japonaise" consacrées à " l'île sans mémoire".

Hokkaïdô reste aux yeux de nombreux Japonais une "case mal remplie", un domaine à part marqué par la rudesse des éléments, un espace de colonisation amorcée au VIIème siècle mais demeuré jusqu'à la fin du XIIème siècle hors de la tutelle du gouvernement central. L'île est alors celle des barbares, appelée Yesogashima dans les rares chroniques qui la signalent, devenant un far-north où s'aventurent mineurs, pêcheurs de harengs, traficants de fourrures et soldatesque. C'est pour contenir les incursions des baleiniers russes que le gouvernement Meiji déclare Hokkaïdô zone stratégique et s'emploie à exploiter ses ressources, ouvrant des mines de charbon, créant des pêcheries et des exploitations agricoles vouées à l'élevage. Sapporo naît en 1871 de ce mouvement de colonisation encadré par l'Etat.

Ce sont les Aïnous ("les Hommes") qui firent les frais de cette entreprise. Ce peuple caucasien originaire d'Asie Centrale occupait encore au VIIIème siècle le nord de Honshu et Hokkaïdo, il fut repoussé vers les marges septentrionales par les Japonais, paysans défricheurs et samourai confondus. N. Bouvier évoque en 1965 l'acculturation dont ce peuple aborigène est victime, confiné en quelques modestes établissements à triste vocation touristique et folklorique. Ses effectifs ne dépassent pas de nos jours les 15 000 personnes et la langue aïnoue est près de disparaître n'était l'effort d'associations luttant pour la reconnaissance de la culture aïnoue.

Hokkaidô est la moins peuplée des grandes îles avec 5,6 millions d'habitants et des densités plus modestes qu'ailleurs. L'exode rural s'y poursuit, accentuant l'opposition entre les hautes terres de l'intérieur culminant à environ 2300 m d'altitude et les plaines urbanisées. Au nord, Hokkaido est traversée par une chaîne volcanique dominée par le mont Asahi. Elle est rejointe au sud-ouest par un autre massif qui a pris naissance non loin du cap Soya au nord-ouest. Ces deux massifs se scindent près du détroit de Tsugaru pour réapparaître au nord d'Honshu sous la forme de deux chaînes parallèles. La forêt boréale domine, associant conifères et bouleaux. Sapporo constitue un centre régional important de 1,7 millions d'habitants, dynamisé par le tourisme des sports d'hiver. Son enclavement est désormais atténué par le trafic aérien et le tunnel routier de Seikan qui relie Hokkaidô à Honshu. La pêche constitue une activité importante sur la côte orientale de l'île : depuis le port de Kushiro, des flottilles de navires-usines exploitent les ressources halieutiques du Pacifique nord. La pêche lointaine et hauturière est cependant une activité en recul, bousculée par la concurrence sauvage de la Russie, de la Corée et de la Chine, frappée par les réglementations internationales de protection des espèces. La Zone Economique Exclusive qui s'étend à 200 milles marins au large des côtes d'Hokkaidô n'en prend que plus d'importance.

27 septembre 2000

Les régions de l'archipel : le regard des géographes

De par sa taille restreinte (377 800 km²), par son peuplement ancien et dense (336 habitants par k²), par la densité et la qualité de ses réseaux de communication, l'archipel japonais ne présente aucune région véritablement délaissée, marginalisée, peu exploitée. Le Japon appartient dans son ensemble au premier foyer de peuplement de la planète, celui de l'Asie orientale : c'est un espace plein. Cependant, l'observation plus fine permet de dégager trois types de régions. Nommons-les et localisons-les sur un croquis très simplifié de l'archipel avant de les décrire et de repérer leurs caractéristiques.

La mégalopole commande l'espace maîtrisé de l'archipel.

La mégalopole japonaise forme une vaste région urbaine étirée le long de la façade pacifique sur environ 1200 km d'est en ouest et sur un liseré littoral n'excédant pas 50 km de large. Le terme de mégalopole désigne une région urbaine, très étendue, composée de plusieurs noyaux urbains qui, en s'étendant, ont fini par se rejoindre et forment un espace d'urbanisation presque ininterrompue. Celle-ci est la plus peuplée des mégalopole du monde et regroupe sur 10 % de la superficie de l'archipel 90 % de la population. Les densités y sont élevées, de l'ordre de 1500 habitants par km², sans être exceptionnelles en Asie orientale. Elle court sur une étroite bande de terre coincée entre montagnes et mer, de la plaine du Kantô à l'ouest jusqu'au nord de l'île de Kyushu et comprend les deux rives de la Mer Intérieure. Ce ruban urbain comprend les grandes agglomérations ou conurbations de l'archipel :

S'intercalent entre ces ville géantes ou mégapoles plusieurs villes millionnaires comme Hiroshima, Okayama ou Hamamatsu. Les densités de population permettent de dégager deux sous-ensembles.

Plusieurs facteurs se sont combinés pour créer cette région urbaine. Son expansion spatiale couvre la période 1960 - 1990. La densification de la mégalopole est donc contemporaine de la phase d'industrialisation de la Haute Croissance. L'exode rural a été le moteur premier de l'essor urbain dès les années soixante. Il n'a pas véritablement vidé les campagnes mais a contribué à soulager leurs excédents démographiques et a offert des bras en grand nombre aux industries développées sur le front de mer. La priorité accordée à l'habitat individuel explique l'étalement en surface des agglomérations. L'habitat individuel reflète à la fois un souci de confort de la population mais est aussi une bonne prévention contre les séismes. Formant un corridor urbain, les villes de la mégalopole se sont rejointes, tout en conservant une forte identité. Toutes ces villes ont connu entre 1985 et 1995 une spéculation immobilière effrénée qui, par la hausse incontrôlée des loyers, a chassé des centres villes l'habitat rejeté en périphérie. Les quartiers centraux tendent à se spécialiser dans les activités du tertiaire supérieur, concentrant l'essentiel des bureaux, des administrations et des commerces et perdant leur fonction résidentielle. C'est un " phénomène de City ", commun à toutes les grandes agglomérations des pays riches. Cette fièvre immobilière renforce la péri-urbanisation, c'est-à-dire l'extension des banlieues résidentielles dévoreuses d'espace.

Qu'est-ce qui assure à ce chapelet de villes géantes une réelle unité ?

La réponse est à rechercher dans la densité exceptionnelle et la qualité des réseaux de communication qui quadrillent la mégalopole. Cet espace peut se définir avant tout comme un espace d'échanges, traversé par de puissants flux de populations, de produits, de capitaux et d'informations. Comme aux Etats-Unis, l'excellence des transports, l'ampleur des trafics sont à la fois un facteur d'efficacité, permettant une mobilité croissante des hommes et des marchandises à moindre coût et le signe d'une maîtrise d'un espace à bien des égards contraignant.

Le géographe Philippe Pelletier l'exprime ainsi : "La mégalopole s'organise sur un réseau de transport dense, rapide, linéaire, bien organisé avec ses sous-réseraux et ses correspondances. Elle se confond finalement avec ce cordon de communication" (in P. Pelletier, Le Japon, Prépas géographie, A. Colin, 1997)

Inventorions ces différents réseaux de communication. De nombreux axes routiers et autoroutiers assurent le long du littoral les liaisons interurbaines et supportent quotidiennement les migrations pendulaires des actifs japonais entre leur lieu de travail et leur domicile. Le réseau ferroviaire contemporain de la première industrialisation est très tôt modernisé et donne naissance en 1964 au Shinkansen ou le " train obus ". Aujourd'hui le Shinkansen relie les trois plus grandes îles, de Sapporo à Nagasaki, franchit tunnels et viaducs, relie les villes principales de la mégalopole et dessert le cœur des grandes métropoles avec une forte fréquence. Dans un pays où les transports routiers sont souvent congestionnés, les transports ferroviaires jouent un rôle vital. Les gares forment, au cœur des banlieues que ce T.G.V. dessert, des noyaux urbains particulièrement attractifs. Ainsi à Tokyo, le nouveau centre d'affaires de Shinjuku prend-il essor au nord-ouest du centre sur un carrefour ferroviaire du Shinkansen. Des ouvrages d'art spectaculaire assurent la cohérence des réseaux terrestres : tunnels, ponts routiers et ferroviaires relient Honshu aux autres grandes îles de l'archipel. L'émiettement du territoire en est ainsi réduit. Les lignes aériennes assurent les liaisons intérieures distantes de plus de 500 km. De grands aéroports au trafic intérieur et international sont construits à Tokyo, Osaka, Fukuoka et Sapporo. Les infrastructures portuaires sont remarquables : quais et terminaux spécialisés ont été édifiés pendant la période de Haute Croissance pour recevoir les importations de matières premières, implanter les industries lourdes et exporter à moindre coût les produits transformés. Le trafic maritime est le support majeur des échanges internationaux mais assure également un part importante du transport des produits pondéreux grâce à un cabotage actif de la baie de Tokyo à la Mer Intérieure.

Au sein de la mégalopole, l'agglomération de Tôkyô est le véritable centre directionnel, le pôle de commandement de tout l'archipel. Tôkyô est à la fois une ville mondiale, un des grands centres d'impulsion des échanges mondiaux et la capitale économique et politique sans rivale de l'archipel japonais. L'agglomération occupe la presque totalité de la plaine du Kanto : elle regroupe environ 23,5 millions d'habitants, plus de 30 en tenant compte de l'aire métropolitaine, soit un quart de la population totale du pays. C'est depuis 1960 la plus grande agglomération du monde, devant Mexico, New York, Sao Paulo et Shanghai.

Tôkyô est avant tout capitale politique : appelée Edo depuis le XVème siècle, elle devient résidence des Shoguns puis capitale politique en 1868 à l'avènement de l'ère Meiji. Elle compte déjà plus de 2 millions d'habitants en 1923 au moment d'un séisme meurtrier, se hisse au deuxième rang mondial en 1940 derrière New York. L'agglomération poursuit sa croissance pendant la Haute Croissance par l'essor des villes portuaires et industrielles qui bordent la baie comme Yokohama, Chiba et Kawasaki et par l'extension des banlieues. Elle est actuellement le siège du gouvernement et des principaux organismes politiques et institutionnels comme la Banque du Japon, les ministères ou le M.I.T.I.. Tôkyô concentre les fonctions de commandement. Comme le rappelle l'heureuse formule de P. Pelletier, Tôkyô concentre à la fois "la capitale et le capital".

Tokyo est à la tête de la plus puissante région économique du monde et réalise 30 % du P.I.B. du Japon. L'architecture verticale de ses C.B.D. ou Central Business District témoignent de la présence des sièges sociaux des keiretsu, des sogo-shosha et des grandes banques de l'archipel. Rappelons la fonction financière incarnée par le Kabuto-Cho. Tokyo concentre des services supérieurs. Enfin la baie de Tokyo est la première concentration industrielle du monde, englobant de grandes cités industrielles comme Yokohama et Kawasaki. Toutes les activités industrielles y sont représentées : chimie, sidérurgie, construction navale, industries du bâtiment, automobile auxquels s'ajoutent les industries de haute technologie. Elles suscitent un important trafic portuaire : Chiba est le premier port marchand du Japon avec un trafic annuel de 176 M° de tonnes derrière Singapour et Rotterdam mais le total des trafics réalisés dans la baie dépasse 420 M° de tonnes et forme le plus puissant ensemble portuaire du monde. Les activités industrielles se concentrent sur des terre-pleins industriels et des îles artificielles comme celle de Yokosuka. Les aéroports de la capitale ont transporté 72 millions de passagers en 1995-1996 et 2,29 millions de tonnes de fret et sont pour ces deux données au 4ème et 2ème rang mondial.

L'agglomération tokyoïte est aussi un centre culturel, concentrant les activités de la presse, de l'édition, de la communication et doté d'universités et d'instituts de recherche réputés qui regroupent 44 % des étudiants de l'archipel.

Tokyo s'affirme comme une global city, un des principaux centres d'impulsion de l'économie mondiale.

Osaka - Kobe - Kyoto forme la conurbation tripolaire du Keihanshin à l'autre extrémité du Tokaido. Développé au fond de la Mer Intérieure mais ouverte sur l'Océan Pacifique, ce pôle urbain associe trois villes aux caractéristiques propres. Osaka et Kobe sont des villes industrielles, portuaires (182 M° tonnes en 1996) et commerciales. Kyoto est le premier centre touristique du Japon. L'ensemble du Kansai est actuellement urbanisé, traversé de part en part par l'axe du Shinkansen. Au centre du Tokaido, Nagoya (142 M° tonnes de trafic marchandises) s'étend au fond de la baie d'Ise.

L'espace proche de la mégalopole.

Il s'agit de reste de l'île de Honshu, à l'exception du nord, et des deux grandes îles méridionales, Shikoku et Kyushu. Cet espace est moins densément peuplé et comporte même quelques espaces vides, en particulier les montagnes des Monts Ida au centre de Honshu couvertes d'une forêt de conifères. Dans sa célèbre nouvelle parue en 1956 Narayama, Shichirô FUKAZAWA parle ainsi de cette région : "Aux montagnes succèdent les montagnes. Où qu'on aille, ce ne sont rien que montagnes" suggérant conditions rudes, enclavement et isolement. Le littoral nord ouvert sur la Mer du Japon est relativement peu peuplé et ne comprend que quelques pôles urbains secondaires comme Niigata (ville jumelée avec Nantes) : c'est le Japon de l'Envers ou Ura Nihon, exposé aux vents froids venus de Sibérie et à de fortes précipitations neigeuses. Cet ensemble de régions où dominent des collines et des montagnes d'origine volcanique n'est pourtant pas ou plus un espace enclavé, marginalisé. Il s'intègre de plus en plus par les activités la mégalopole.

Quelles sont ses vocations principales ?

Cet espace conserve une importante vocation agricole. Kyushu et Shikoku tirent profit des influences climatiques subtropicales pour conserver une riziculture intensive et développer des plantations tropicales (canne à sucre, ananas et banane). Les plaines et collines proches de la mégalopole sont devenues des ceintures agricoles périurbaines très intensives associant des cultures industrielles (théier et mûrier), des vergers et des cultures sous serres. Elles approvisionnent les marchés urbains en produits frais en des exploitations exiguës, souvent insérées dans le tissus urbain. Les élevages avicoles et porcins industriels sont situés à proximité immédiate des grands ensembles portuaires, proches des lieux d'importation de soja américain ou de manioc thaïlandais et des marchés de consommation. Ils offrent un bel exemple de littoralisation agricole. Cultures intensives et élevages industriels hors sol se développent en particulier au nord de Tokyo, le long du littoral oriental jusque Sendai.

C'est aussi un espace voué à la production d'énergie. Si les gisements de charbon de Kyushu et du centre d'Hokkaido sont épuisés ou abandonnés car trop excentrés et peu rentables, les montagnes centrales de Honshu disposent d'un potentiel hydroélectrique élevé. Les précipitations sont abondantes, assez bien réparties sur l'année. Les vallées sont toutes équipées en petites centrales qui fournissent environ 10 % de l'électricité du pays. Les Mont Ida constituent aussi un " château d'eau " naturel pour les cultures irriguées des plaines littorales et l'approvisionnement des villes en eau potable. Le faible peuplement de la côte nord donne naissance à une forte concentration de centrales nucléaires, particulièrement dans la baie de Wakasa ouverte sur la Mer du Japon.

Cet espace est devenu un espace récréatif pour les loisirs et la détente des citadins. De multiples stations thermales parsèment les chaînes de l'intérieur de Honshu. Des stations de sports d'hiver comme Nagano connaissent un vigoureux essor lié à la part croissante des loisirs dans la consommation des ménages. Les pentes élevés sont couvertes d'une couverture forestière, subtropicale à Shikoku et Kyushu, forêt mixte au centre de Honshu : peu exploitée, la forêt est un espace récréatif partiellement protégé contre les agressions urbaines et industrielles par la création de parcs naturels.

En outre cet espace intégré à la mégalopole constitue une aire de desserrement des activités industrielles. De petits centres industriels existent dans les vallées du centre de Honshu (Toyama) ou sur ses littoraux nord à Niigata et Sendai. La reconversion industrielle de Kyushu fait de cette île le nouveau " cœur électronique " du Japon par une nébuleuse de technopôles spécialisés dans la fabrication de circuits intégrés.

Au total, ces régions forment un espace d'approvisionnement des régions urbaines en énergie, en eau et en produits alimentaires, un espace " en réserve " à la fois aménagé et à manager et une aire d'essaimage des activités industrielles à la recherche d'un environnement moins saturé et encore peu pollué, hors de la mégalopole.

Les confins du Japon.

Ils forment un troisième type d'espace en situation périphérique. Il s'agit de l'île de Hokkaidô, du nord de Honshu appelé le Tohoku mais aussi de minuscules archipels subtropicaux éparpillés dans le Pacifique ouest comme celui d'Io-Jima ou de Minamitori-Shima ou encore alignés en arcs volcaniques comme les îles Ryu-Kyu.

Le nord de l'archipel est un espace de moyennes montagnes, quelques sommets dépassent 2 200 m, marquées par un climat à tendance continental, soumis à la descente en hiver de masses d'air froides humidifiées par la proximité de l'océan. Elles déclenchent d'abondantes chutes de neiges. La forêt boréale domine, associant conifères et bouleaux. Hokkaidô est la moins peuplée des grandes îles avec 5,6 millions d'habitants et des densités plus modestes qu'ailleurs. L'exode rural s'y poursuit, accentuant l'opposition entre les hautes terres de l'intérieur et les plaines urbanisées. Sapporo constitue un centre régional important de 1,7 millions d'habitants, dynamisé par le tourisme des sports d'hiver. Son enclavement est désormais atténué par le trafic aérien et le tunnel routier de Seikan qui relie Hokkaido à Honshu.

La pêche constitue une activité importante du nord de l'archipel : depuis les ports de Kushiro et d'Hachinoe, des flottilles de navires-usines exploitent les ressources halieutiques du Pacifique nord. La pêche lointaine et hauturière est cependant une activité en recul, bousculée par la concurrence sauvage de la Russie, de la Corée et de la Chine, frappée par les réglementations internationales de protection des espèces. La pêche côtière et l'aquaculture souffrent eux de la surexploitation des fonds de la plate-forme océanique et de la pollution industrielle et urbaine. Le Japon n'est plus qu'au 4ème rang mondial pour la pêche après avoir été longtemps le premier. La Zone Economique Exclusive qui s'étend à 200 miles marins des côtes n'en prend que plus d'importance.

C'est en marge de son espace maritime que le Japon connaît quelques litiges frontaliers avec ses voisins. Le contentieux principal oppose le Japon à la Russie à propos de l'archipel des Kouriles. Depuis l'annexion opérée par l'U.R.S.S. d'alors en 1945, le Japon dénonce la présence de son grand voisin sur les îles les plus proches d'Hokkaido, Etorofu et Kunashiri. La situation est actuellement figée. Un litige comparable oppose le Japon à la Corée du Sud, un autre à la Chine. Ils témoignent des enjeux nouveaux qu'offrent les espaces maritimes de la Mer du Japon et de la Mer de Chine : ces mers bordières constituent le vecteur principal des échanges en Asie orientale, elles recèlent des gisements d'hydrocarbures susceptibles d'une exploitation off-shore, elles sont des zones de pêche très poissonneuses, à la rencontre des eaux chaudes et froides du Kuroshio et de l'Oyashio dans le Pacifique, des courants maritimes de Tsushima et de Riman dans la mer du Japon. On comprend mieux ainsi les convoitises des pays riverains de ces mers et les contestations frontalières de cet espace devenu stratégique.

20 octobre 2000

Les mutations de l'espace industriel japonais

 

L'étude de l'espace affecté aux activités industrielles rend compte de la capacité de la société japonaise à dépasser les contraintes de son territoire, à dominer et transformer partiellement une nature ingrate et à tirer profit de l'ouverture sur le monde.

En effet, le décollage industriel du Japon amorcé sous l'ère Meiji à la fin du XIXème siècle ne s'est pas appuyé sur d'abondantes ressources énergétiques et minières comme en disposaient alors le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l'Allemagne ou dans une moindre mesure la France. L'industrie textile est une activité dispersée dans les campagnes, founissant un revenu d'appoint à la paysannerie. Seules quelques pôles d'industries lourdes promues par l'Etat se localisent sur les modestes gisements de charbon d'Hokkaido et du nord de Kyushu.

 

 

De la baie de Tokyo aux rives de la Mer Intérieure, l'industrie japonaise est étroitement imbriquée à la mégalopole. Elle est particulièrement visible sur la façade pacifique ouverte sur le monde.

Principaux ports maritimes du Japon

Trafics (en millions de tonnes) et rang mondial (2000)

Chiba

164 M° t (4ème)

Kobé

135.5 M° t (5ème)

Nagoya

133.8 M° t (6ème)

Yokohama

117.8 M° t (8ème)

Kawasaki

100 M° t (12ème)

Source : Images Economiques du Monde, SEDES, 2000.

9 novembre 2000

Fujisan

Plus que le point culminant de l'archipel japonais, le Fujisan ou Fuji Yama est devenu l'emblème le plus connu du pays, objet d'inspiration pour les poètes, les peintres, les musiciens et de fascination pour les volcanologues, les géographes et les touristes nippons. Dominant la plaine du Kantô presque entièrement occupée par l'agglomération tokyoïte et la péninsule d’Izu, il forme un cône volcanique très régulier composé d'une accumulation alternée de lave et de blocs issus du cratère. Souvent nimbé de brumes et coiffé de quelques névés, il atteint 3776 m. d'altitude. Cet imposant volcan dont la dernière éruption date de 1707 appartient à la "ceinture d'Izu-Ogasawara" ; il constitue le principal point d'attraction du Parc national de Fuji-Hakone-Izu et reçoit par an quelques 2,5 millions de visiteurs. Le volcan connaît depuis fin 2000 un regain d'activité et est objet d'une surveillance accrue des équipes de volcanologues : sans être une menace directe sur Tôkyô et ses environs urbains, une éruption perturberait gravement les réseaux ferroviaires, routiers et le trafic aérien autour de la capitale.

11 janvier 2001

Nikkei

Quotidiennement délivré et célébré par Jean-Pierre Gaillard sur France-Info, le Nikkei est depuis 1950 l'indice boursier du Kabutocho, la place financière de Tôkyô. Il prend en compte la valeur pondérée de 225 plus grandes entreprises de l'archipel. Principaux confrères : Dow Jones, Nasdaq, Standard and Poors, Hang Seng, DAX 30 et CAC 40..... Prenons l'exemple d'aujourd'hui : le Nikkei-225 est en repli de 0,30% à la mi-séance, les valeurs ont terminé la matinée en repli ce mardi 14 novembre à Tôkyô, entraînées par le glissement persistant des valeurs technologiques comme Canon ou NEC Corporation, alors qu'à New York, l'indice composite Nasdaq a clôturé lundi 13 sur une sixième baisse consécutive. Dans cette chronique, c'est l'article qui prendra le plus rapidement un coup de vieux... Ô, insaisissable nouvelle économie!

14 novembre 2000

Le Japon et ses voisins d'Asie Orientale

L'Asie Orientale est constituée de l'ensemble des Etats et des régions riveraines du Pacifique ouest et de ses mers bordières. Elle comprend ainsi les deux Etats coréens, la façade pacifique de la Russie, la Chine, les Etats de la péninsule indochinoise et malaise, les archipels japonais, indonésien et philippin. Il n'est pas choquant d'y associer pour leurs liens économiques l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Le point commun de cet ensemble est d'avoir connu depuis les années soixante-dix et de connaître encore des records de croissance économique. On observe depuis vingt ans la montée en puissance des économies de pays riverains du Pacifique ouest et la part croissante qu'ils occupent dans les échanges internationaux. Cet ensemble régional renforce ses liens par des organismes économiques de concertation et de coopération. Ainsi en 1967 est née l'Association des Nations du Sud-Est Asiatique ou A.N.S.E.A. (A.S.E.A.N. ou Association of Southeast Asian Nations en anglais), une zone de libre échange composée de l'Indonésie, de la Malaisie, des Philippines, de Singapour et de la Thaïlande, rejoints en 1984 par Brunei, en 1995 par le Viêt-Nam et en 1997 par le Laos et la Birmanie récemment appelée Myanmar. Cette énumération fait apparaître les différentes générations de pays émergents, ayant rapidement jeté les bases d'une puissante industrialisation : " Dragons ", " Bébés Tigres ", " pays ateliers ", " N.P.I. ", les qualificatifs plus ou moins rigoureux ne manquent pas pour saluer la réussite économique de ces économies qui reposent sur une intégration dans les échanges mondiaux.

Le Japon fait figure dans cet ensemble de puissance régionale, dotée d'une population nombreuse, qualifiée et innovante. Pour les pays émergents, le Japon est à la fois client et fournisseur privilégié, un partenaire commercial incontournable, tant pour les Nouveaux Pays Industrialisés comme la Corée du Sud, Taiwan, Singapour que pour les Etats à l'industrialisation plus récente comme la Thaïlande, la Malaisie ou ouverts plus récemment comme la Chine, ou bien encore pour les Pays en Développement pauvres comme le Viêt-Nam.

Ce partenariat n'a cependant rien d'évident. Le Japon actuel peine à se défaire de son image de conquérant. Il hérite d'un lourd contentieux avec les pays qu'il a dans les années vingt et trente conquis par les armes et une diplomatie agressive pour fonder une " Sphère de co-prospérité asiatique ". La Corée fut réduite à une colonie d'exploitation dès le début du siècle. La Chine soumise à une sévère domination militaire dès 1937 ponctuée de massacres, de pillages. Les litiges frontaliers restent vifs avec la Russie, la Corée et la Chine. Le Japon se heurte en outre aux ambitions déclarées de la Chine et à l'émergence économique de la Corée et de la Malaisie.

Quels sont les liens tissés entre le Japon et l'Asie orientale ? Ils sont essentiellement commerciaux : 40 % des échanges de l'archipel se font avec cette région. Cette tendance s'explique par deux logiques.

Le Japon peut être considéré aussi comme précurseur et modèle de l'industrialisation rapide qu'il a su mener depuis l'ère Meiji. Les principaux " Dragons " comme la Corée du Sud ou Taiwan s'en sont largement inspirés. Disposant d'une main-d'œuvre nombreuse mais dotée d'un pouvoir d'achat modeste dans les années soixante, pauvres en ressources naturelles, ces pays ateliers se sont lancés dans une stratégie d'industrialisation rapide fondée sur des importations massives de matières premières, sur le développement d'industries de main-d'œuvre (textile, jouets, matériels électriques) et sur leur exportation vers les marchés nord-américains et européens. Etats et entreprises conjuguent ensuite leurs efforts pour remonter les filières par l'achat de brevets, par un effort permanent de recherche technologique et l'appel aux capitaux étrangers. Aux industries de main-d'œuvre comme le textile, succèdent les industries mécaniques et les industries de base puis les industries de hautes technologies. La structure dualiste des entreprises japonaises se retrouve également en Corée où les choebols sont les équivalents des keiretsu du Japon.

Ce dernier est désormais l'animateur de l'aire Asie-Pacifique. Il crée de la croissance par des transferts de technologie et par l'implantation d'unités de production à la recherche de bas salaires. Il contribue à l'intégration commerciale de cet espace économique. Un bon révélateur de l'intégration régionale est, au sein des échanges maritimes, la part grandissante du trafic des marchandises diverses conditionnées en conteneurs. Autre révélateur : la diffusion des crises financières qui, depuis 1987, secoue l'Asie du Sud-Est. Quand le Japon éternue, c'est l'Asie qui s'enrhume... L'inverse est parfois vrai ! Le Japon cherche à favoriser et contrôler cette croissance : c'est sur son initiative que fut créée l'Asia - Pacific - Economic Association ou A.P.E.C. en 1989, vaste zone de libre échange comprenant l'Asie sud orientale, y compris la Chine, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi le Canada, les Etats-Unis, le Mexique et la Chili.

16 novembre 2000

 Tsunami

Un tsu-nami est littéralement une "vague de port". C'est un des quelques mots adopté du japonais par la communauté des sciantifiques pour désigner une vague générée par déformation du fond des océans, un raz de marée né d'un séisme ou une éruption volcanique sous-marine. La déformation du fond des océans ou déformation cosismique est la source du tsunami : elle résulte essentiellement du phénomène de subduction observable sur le pourtour de l'Océan Pacifique, là où la plaque océanique glisse sous les plaques continentales. Les ondes hydrauliques se propagent ensuite à la surface des océans mais en s'approchant des littoraux gagnent en hauteur. Innoffensifs au large, les tsunamis deviennent particulièrement dévastateurs en touchant les rivages, sous la forme de vagues de plus de 10 mètres qui balaient tout sur leur passage.

Le Japon et les Etats-Unis ont mis au point un système d'alerte dès 1968 à Hawaï où des marégraphes et des capteurs de pressions enregistrent les déformations cosismiques. Sur l'archipel japonais, des mesures de prévention existent sur les littoraux particulièrement exposés, tous portant une forte densité de population et concentrant l'essentiel des activités économiques : exercices d'alerte, refuges en hauteur, digues et brise-lames formés de tripodes de béton... Le Japon a connu depuis 1895 environ 150 tsunamis meurtriers. Celui de 1896 fit 30 000 victimes dans le Tôhôku. Plus près de nous, en 1960 un des plus forts séismes du siècle d'une magnétude de 9,5 provoqua une onde au large des côtes du Chili, elle parcourut l'océan pour toucher les archipels du Pacifique, puis les côtes des Philippines et du Japon où il y eu 200 morts. Le dernier tsunami fut celui du 12 juillet 1993 ; il fit plus de 300 victimes et de nombreux dégâts sur le littoral de la Mer du Japon, ravageant l'île d'Okushiri au sud-ouest d'Hokkaïdô.

26 novembre 2000

Saisons et climats de l'archipel

Soit :

Voici autant d'ingrédients qui multiplient à l'extrême les nuances climatiques de l'archipel japonais. A gros traits, par l'existence d'un été chaud et humide, le Japon appartient à l'Asie tropicale. Les précipitations se produisent en saison chaude mais avec deux maxima que les Japonais identifient comme deux moments saisonniers particuliers.

  1. Le " baiu " ou " pluie des Prunes " entre mi-juin et mi-juillet : avec régularité elle touche Kyushu vers le 10 juin, le sud de Honshu vers le 15 mais n'atteint pas Hokkaïdô.
  2. Le " shûrin " en septembre est le mois des typhons et des pluies diluviennes.

Dans les deux cas, les fortes précipitations sont favorisées par l'insularité de Japon et parce que l'archipel est effleuré par le Kuroshio, un courant marin dont les eaux atteignent plus de 25° C. : elle baignent en août la façade sud et est de Honshu. Le sud de Kyushu, de Shikoku, la péninsule de Kïï reçoivent jusqu'à 4 000 mm d'eau par an. L'humidité existe aussi en hiver ; pourtant le climat japonais n'est nullement océanique car il est froid comme en Chine du nord ou en Corée, un froid accentué cette fois par la descente de l'Oyashio dont les eaux froides longent le littoral oriental de Honshu jusqu'au Kantô. L'hiver est plus humide sur la côte nord de la Mer du Japon. La neige y tombe en abondance en novembre et décembre, à Niigata par exemple.

Les Japonais distinguent six saisons.

L'hiver, froid et ensoleillé sur la façade pacifique, froid et neigeux sur la façade septentrionale. Le hautes pressions dominent sur la Sibérie et provoquent de "coulées polaires" froides et sèches par vent de nord-ouest. Mais en traversant la Mer du Japon, elles se réchauffent, s'humidifient, deviennent instables et restent bloquées par les hauts massifs du centre de Honshu. Tempêtes et précipitations neigeuses frappent alors la côte nord. Le phénomène est exceptionnel à une telle latitude (38 ° nord). Dans le même temps, le vent de nord-ouest en redescendant sur le versant pacifique perd son humidité : c'est le karakkaze qui souffle alors sur la mégalopole. Le Kantô bénéficie d'un climat d'abri, faiblement enneigé et souvent ensoleillé. L'hiver présente un contraste très marqué entre une côte " sous le vent " ou Japon de l'endroit (Omote Nihon) sans gel et une côte " au vent " ou Japon de l'envers (Ura Nihon). Seules exceptions, les îles Ryu-Kyu ignorent le froid hivernal : 16 ° C. en janvier.

Le printemps est la saison la plus instable, marquée par un temps changeant, une alternance de journées froides par vent de nord-ouest et de journées chaudes par vent de secteur sud. Le repère le plus poétique de cette arrivée printanière, fin mars à Kyushu, début avril à Honshu et début mai à Hokkaïdô, est l'éclosion des fleurs de cerisiers (sakura) et de pruniers blancs et rouges. La floraison des arbres est célébrée par les festivités du Hanami. Cette progression du " front des fleurs " du sud au nord s'accompagne de la fonte brutale de la neige sur la côte nord. Glissements de terrains et inondations y sont alors fréquents.

" Avril : le printemps hâtif et bâcle. La brusque lourdeur de mai. La mousson de juin : la nyubaï. Chaque soir le ciel se plombe et la pluie s'installe. On l'entend partout résonner sur le papier huilé des ombrelles. L'air est saturé d'humidité ; plus rien ne sèche et, juillet venant, la chaleur passe de trente à trente-cinq dans les maisons (…) Mauvaise époque : la chaleur émousse l'énergie, la nyubaï agace les nerfs et, sous une somnolence apparente, on est vindicatif et irascible "

Nicolas BOUVIER, Chronique japonaise, Payot, 1989

Un été mais trois saisons entre juin et septembre. Des masses d'air méridionales, tropicales parviennent sur l'archipel par vents de secteur sud. Elles conditionnent un été au sens large pendant lequel le continent asiatique " aspire ". L'été est partout chaud sauf à Hokkaïdô à cause des eaux froides de l'Oyashio. Trois moments se distinguent.

L'automne d'octobre à mi-novembre : une belle saison, agréable à vivre, une sorte " d'été indien " marquée par un net abaissement de température, un air plus stable. Une couleur enfin, le carmin des feuillus domine les pentes de l'archipel en cette saison.

30 novembre 2000

Modèles et nuances climatiques

(bientôt ici un croquis!) 

1 - Climat subpolaire marqué par une forte continentalité : été frais, hivers froids (moyenne de -5° C en janvier), abondantes précipitations neigeuses accentuées sur les reliefs, absence de baiu.

2 - Climat continental froid du Japon de l'Envers, abondantes précipitations neigeuses, forte amplitude thermique annuelle.

3 - Modèle climatique tempéré du Japon médian ; tempéré avec gel (3A), avec influence montagneuse (3B), températures abaissées par l'effet orographique et neige de montagne ou yama-yuki, tempéré sans gel avec des précipitations en juin et juillet lors du baiu (3C).

4 - Modèle climatique tempéré du Japon de l'Endroit, semi-continental en hiver en situation d'abri au sud-est des reliefs, subtropical en été, c'est-à-dire chaud et humide, passage régulier des typhons et précipitations supérieures à 2 500 mm par an.

5 - Climat subtropical d'abri sur les rives de la Mer Intérieure, faibles précipitations.

6 - Climat subtropical, chaud et humide, fortes précipitations estivales. Il concerne l'arc insulaire des Ryûkyû étiré entre le 24° et le 31° de latitude nord.

 6 décembre 2000

Tôkyô, singularité et complexité de l'espace urbain

Tôkyô est actuellement une méga-city, une ville-globale, une mégapole moderne, pompe aspirante et refoulante de toute la mégalopole japonaise. La ville est située au débouché de plusieurs rivières, Edo, Arakawa et Sumida, qui drainent la plaine du Kantô et s'étale autour d'une profonde baie sur l'Océan Pacifique.

Tôkyô est maintenant si étendue qu'une nouvelle expression a été créée pour la désigner : Tôkyô-to. La "préfecture urbaine de Tôkyô" compte quelques 32,4 millions d'habitants et inclut les préfectures de Chiba, Kanagawa et Saitama, le nom de Tôkyô n'étant plus réservé qu'au centre de cette ville géante qui compte plus de 12 millions d'habitants. La ville de Tôkyô est divisée en 23 arrondissements.

Le centre ancien associe la Ville basse (Shitamachi) où domine un habitat populaire et des ateliers industriels et une Ville haute (Yamanote) qui s'organise autour du parc du palais impérial, avec un centre d'affaires majeur, Marounuchi, prolongé vers l'est de celui de Kyobashi et un quartier voué au commerce et aux distractions, Ginza. Une première ceinture urbaine comprend des quartiers résidentiels, des quartiers industriels en reconversion et un chapelet de nouveaux centres d'affaires hérissés de hautes tours et égrenés sur la rocade ferroviaire occidentale : Ueno, Ikebukuro, Shinjuku, Shibuya et Gotanda. Au-delà, la suburbanisation juxtapose sans ordre apparent d'anciens noyaux urbains progressivement insérés dans le tissus banlieusard, des villes dortoirs, des faubourgs étirés le long des axes routiers et ferroviaires, des zones industrielles et des villes nouvelles comme celle de Tama. Plus récentes, les technopôles ou parcs technologiques créés sur le modèle de Tsukuba à 60 km du centre donnent naissance vers le nord à de noyaux urbains en essor rapide.

Au Japon et à Tôkyô en particulier, les centre-villes connaissent un dépeuplement marqué depuis les années soixante : il s'explique par le poids excessif des impôts sur l'héritage et la propriété du sol, par la détérioration des condition de vie dans les logements anciens et par la motorisation croissante de la population active. "Phénomène de city", tertiairisation et suburbanisation sont allés de paire : cependant la dévitalisation des centres reste moins évidente qu'en Europe. Les opérations de rénovation de quartiers vétustes sont nombreuses, les efforts des pouvoirs publics pour valoriser la fonction résidentielle s'avèrent efficaces. En témoignent le maintien du commerce de proximité, la densité élevée de P.M.E. au rez-de-chaussée des immeubles, la vitalité aussi des "chô-kai", ces associations d'habitants gérant la vie commaunautaire des quartiers.

A une structure duale héritée de l'ancienne Edô, s'est superposée une structure en auréoles concentriques que délimitent les axes de communication. L'impression d'ensemble est celle d'un organisme vivant, d'apparence chaotique, an-archique, au sens d'absence de direction, d'un patchwork de formes disparates, d'un tissu urbain constamment remodelé par addition ou soustraction du bâti. L'architecte et urbaniste Augustin Berque a forgé en la circonstance le concept de "ville-amibe", " (...) une image, une métaphore pour dire un monde qui serait, à la fois, postmoderne et post-occidental. Un monde à la japonaise? Plutôt un monde où, derrière l'ordre visible, encore occidental, l'ordre caché serait nippon". (in L'ordre caché; Tôkyô, la ville du XXIème siècle? Yoshinobu ASHIHARA, préface d'Augustin BERQUE, p. 109, éditions Hagan, 1994).

6 décembre 2000

Shinjuku

Dès l'amorce de la Haute Croissance à la fin des années cinquante, le quartier de Shinjuku (" Nouveaux logements ") fut élu par la munipalité de Tôkyô pourr réaliser un ambitieux programme de remodelage urbain. Le vaste chantier de Shinjuku, promu nouveau centre d'affaires, rend compte alors de trois soucis des autorités municipales.

Shinjuku est le plus important d'entre eux. Le projet est adopté en 1960 par le Ministère de la Construction. L'heure est à la planification incitative, à l'aménagement fonctionnaliste, au productivisme : le zoning est la profession de foi commune des urbanistes à Tôkyô comme à Londres, à Bruxelles comme à Paris. Les travaux sont effectués entre 1960 et 1968, reflets d'une osmose entre pouvoirs publics, promoteurs et entreprises privées du B.T.P. et des transports. Cete opération immobilière de grande envergure implique en outre les principaux conglomérats ou kereitsu de l'archipel, soucieux de valoriser leur image et de s'implanter près du cœur de la capitale. Mitsui, Mitsubishi, Fuji et Sumitomo figurent parmi les principaux investisseurs ainsi que les grandes sociétés ferroviaires comme Odakyû Electric Railway. En liaison avec la gare qui voit passer 138 trains par heure et quotidiennement 3,6 millions de voyageurs, les 9 ha sont hâtivement viabilisés selon un quadrillage orthogonal et, à la planification, succède le "laisser-faire" de la mise en valeur immobilière. Pourtant les cahiers de charge sont précis et exigeants : des constructions anti-sismiques draconiennes pour les tours de plus de 50 m., l'interdiction de construire des parkings en surface, une occupation réservée à des activités jugées comme politiquement correctes, bureaux, commerces et hôtels de grand standing.

Shinjuku offre actuellement le visage d'un petit Manhattan, d'un centre d'affaires unique au Japon par sa forte densité de gratte-ciel. Béton, verre teinté et structures métalliques apparentes sont les marques architecturales des années soixante-dix. Les bâtiments compris entre 100 et 240 m se prolongent de quelques étages souterrains : citons le Tôkyô Metropolitan Gouvernment Building haut de 243 m. C'est la Mairie de Tôkyô érigée sous la houlette de l'architecte Kenzo Tange : elle fut inaugurée en 1991 et abrite quelques 35 000 fonctionnaires. Le plan en damier est éventré par de larges artères posées sur pilotis.

Les années quatre-vingt sont celles de la remise en cause. Shinjuku ouest souffre d'une crise d'urbanité, en d'autres termes d'un manque d'urbanité. Le quartier est perçu comme un monstre froid, hyperactif le jour mais vide la nuit, économiquement efficace et rentable mais dénué de convivialité, faute de logement, d'espace vert. Aussi a-t-on mené à grande échelle un politique d'aménités, de micro-aménagements visant à corriger l'inhumanité de Shinjuku : amélioration de la signalétique, de la circulation piétonnière, multiplication des lignes de bus en surface, embellissement de la voirie, aménagements paysagers, terrasses panoramiques…. Plus efficace encore fut la diversification fonctionnelle en périphérie du C.B.D. de Shinjuku, en particulier à l'est de la gare : construction de salles de cinémas, de restaurants, d'équipements sportifs, de musées et de galeries d'art, densification des commerces, des dépâto (le mot vient de l'anglo-saxon department store et désigne un grand magasin) et des petites boutiques de services et d'informatique, l'essor près de la gare d'un sakariba, un quartier des plaisirs… Si la partie ouest du quartier se vide la nuit, ce n'est pas le cas du "quartier du kabuki", plus à l'est où se concentrent des centaines de bars, de boites, des restaurants, de multiples échoppes.

6 décembre 2000

Ueno

C'est un des principaux "quartiers" de Tôkyô, grossièrement situé au nord de l'hyper-centre sur une colline, en fait une terrasse alluviale dominant de peu la rivière Sumida-gawa. Ueno signifie d'ailleurs "la plaine en hauteur". Au XVIIème siècle, ce fut la demeure des seigneurs locaux, puis du shôgun qui fit construire de nombreux temples. Avec l'ère Meiji ouverte en 1868, naît l'idée de créer de vastes parcs, d'abord propriétés de l'empereur, puis restitués à la municipalité en 1924. Le parc d'Ueno comprend actuellement de nombreux musées : le Musée national d'Art Occidental, le Musée des Sciences, le Musée d'Art de la Ville de Tôkyô, le Musée Shitamachi et, le plus grand musée de l'archipel, le Musée national de Tôkyô ou Edô-Tôkyô-Hakubutsukan. Ce dernier permet un voyage dans le temps avec une section consacrée à la préhistoire du Japon (période Jômon, civilisation des kofuns), une est consacrée aux civilisations chinoise et coréenne dont la culture japonaise est largement héritière, la plus riche est vouée aux arts japonais, sculptures, masques, porcelaines, théâtre nô, estampes et peintures.

 7 janvier 2001

Le fait urbain au Japon

Qu'est-ce qu'une grande ville? A cette question délicate, les statistiques des derniers recensements (1990 et 1995) du Japon ont donné les réponses suivantes. Une ville-centre dépasse 500 000 habitants ; une aire métropolitaine ou urbaine est un espace presque totalement urbanisé c'est-à-dire bâti en continu organisé autour d'une ville-centre : grossièrement c'est la zone d'influence immédiate de ce centre, que l'on repère par l'étude des migrations pendulaires, autrement dit par les déplacements quotidiens des actifs entre leur lieu de travail et celui de résidence. On distingue 11 aires métropolitaines ou urbaines dans l'archipel japonais. C'est la coalescence entre les principales aires métropolitaines qui donne naissance à la mégalopole (en japonais, megalopolisu), sorte d'étroit ruban d'urbanisation continu formé lors de la Haute Croissance, d'abord dans le Tokaidô en tre Tôkyô et Kôbe, puis vers le sud-ouest jusqu' au nord de Kyushu. Citons le géographe Philippe Pelletier : "Du point de vue morphologique et paysager, la mégalopole est constituée d'une succession de vieilles cités, de vastes espaces périurbains composés de lotissements pavillonnaires et de grands ensembles, entrecoupés de lambeaux agricoles, de ceintures horticoles, jalonnés par des espaces verts résiduels souvent reconvertis en parcs de loisirs" (in P. Pelletier, Le Japon, Prépas géographie, A. Colin, 1997)

Les aires métropolitaines

nombre d'habitants en 1995

Les villes-centres

nombre d'habitants en 1995

Keihin ou Kantô

31 962 000

Tôkyô

Yokohama

Kawasaki

Chiba

7 9666 000

3 307 000

1 203 000

857 000

Keihanshin ou Kansai

18 199 000

Osaka

Kyoto

Kobe

2 602 000

1 464 000

1 424 000

Chukyo

8 433 000

Nagoya

Kitakyushu-Fukuoka

4 934 000

Fukuoka

Kitakyushu

1 285 000

1 020 000

Sapporo

2 473 000

Sapporo

1 757 000

Hiroshima

2 033 000

Hiroshima

1 109 000

Sendai

2 005 000

Sendai

971 000

Okayama

1 535 000

Okayama

616 000

Kumamoto

1 295 000

Kumamoto

650 000

Hamamatsu

1 188 000

Hamamatsu

562 000

Kagoshima

1 084 000

Kagoshima

546 000
Pour en savoir plus : Bacconnier Géard, Le Japon en fiches, Bréal, août 1999.

9 janvier 2001

Le Japon, seconde puissance industrielle du monde.

Parmi les pays anciennement industrialisés, le Japon se singularise par la part encore grande qu'occupe le secteur industriel dans l'ensemble de l'économie nationale. Ainsi, l'industrie réalise 38 % du Produit Intérieur Brut et occupe plus de 34 % de la population active. C'est bien plus que chez les autres pays industrialisés, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France aux économies largement tertiarisées. Seule l'Allemagne connaît des pourcentage voisins de ceux du Japon.

L'industrie japonaise réalise environ 15 % de la valeur des productions industrielles mondiales, talonnant les Etats-Unis (15,2%) mais distançant nettement les autres puissances. La gamme des productions japonaises est très variée, très diversifiée, témoignant d'une industrialisation ancienne, amorcée fin du siècle dernier et résultant d'une course effrénée à l'innovation technologique. Devenue un pôle d'excellence, l'industrie au Japon stimule l'ensemble de l'économie.

Sans prétendre dresser un inventaire exhaustif des productions industrielles japonaises, il est utile de connaître quelques secteurs d'activités particulièrement performants, piliers de l'industrie du Japon.

Ainsi la sidérurgie reste avec 12 % de la production d'acier la troisième du monde (94 M° t), derrière la Chine et les Etats-Unis et devant la Russie, tant pour les aciers ordinaires que les aciers spéciaux. C'est un secteur très concentré, aux mains de quelques firmes géantes comme Nippon Steel, Nippon Kokan, Kawasaki Steel C° ou Sumitomo Metal Industries Limited. Les quelques 100 millions de tonnes d'aciers produits annuellement bénéficient de la productivité très élevée des combinats sidérurgiques, de nouveaux progrès technologiques comme l'amélioration des traitements de surface, la fabrication d'aciers résistants aux séismes, l'utilisation de déchets de matières plastiques à la place du coke, des procédés économes en énergie.... La chimie lourde, essentiellement la pétrochimie occupe la seconde place derrière celle des Etats-Unis, avec des nuances selon les productions : 1er rang pour l'éthylène, 2ème rang pour les plastiques, l'industrie pharmaceutique et le caoutchouc synthétique, 3ème rang pour les textiles artificiels. Les autres industries de base comme la production d'aluminium, de plomb, de zinc ou de cuivre restent parmi les plus performantes du monde

Le meilleur exemple est constitué de la construction navale. Après une crise sévère due aux chocs pétroliers, ce secteur s'est récemment redressé : il occupe le second rang mondial en 1999 derrière la Coré du Sud et construit environ 30 % des tonnages nouveaux annuels tout en se diversifiant pour répondre à la demande croissant de navires spécialisés exigeant plus de technologie comme les méthaniers, les porte-conteneurs, les paquebots de croisière mais aussi des usines de dessalement d'eau de mer ou des plates-formes de forages pétroliers. Ils innovent aussi en mettant au point les T.S.L. ou Techno Super Liners, des cargos très rapides destinés aux transports régionaux. Signalons aussi le maintien d'activités traditionnelles comme le textile, un secteur pourtant rudement concurrencé par les Nouveaux Pays Industrialisés d'Asie orientale. Le Japon est au 5ème rang pour les textiles synthétiques en 1997.

Repérons donc les quelques maillons faibles de l'industrie japonaise : les microprocesseurs sous la domination américaine, le secteur pharmaceutique, l'aérospatiale et l'aéronautique. Dans ces secteurs, le Japon souffre d'une dépendance à l'égard des Etats-Unis.

Si la première industrialisation est contemporaine de l'ère Meiji (1868-1912) , période durant laquelle l'Etat a enclenché le processus d'innovation et d'investissement, la diversification de l'industrie japonaise depuis la reconstruction menée de 1945 à 1950 s'est effectuée en plusieurs grandes phases, identifiée chacune par une activité " phare " : les industries de base (sidérurgie et chimie) dans les années soixante, les industries mécaniques (automobile) dans les années soixante-dix, relayées depuis par les industries de haute technologie (électronique).

11 février 2001
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